Musique pour nuits blanches
Les chansons que j’écoute quand je n’arrive pas à dormir
Il est tard. Pas tard comme quand on finit un film, ou quand on est encore en train de discuter doucement avec quelqu’un. Non. Il est ce genre de tard qui épuise le corps mais réveille la tête. Celui où l’oreiller devient un sablier, et chaque battement du cœur ressemble à une question sans réponse. Il est tard, et j’écoute de la musique. Encore.
Je crois que certaines chansons sont devenues pour moi des refuges pour ne pas sombrer, mais aussi des pièges pour ne pas dormir.
C’est étrange, je sais. D’habitude, les gens écoutent de la musique pour s’apaiser, pour s’endormir, pour bercer l’âme. Moi, parfois, j’écoute pour rester éveillée. Pour penser un peu plus fort. Pour sentir un peu plus vrai. Pour pleurer à moitié sans avoir à en donner la raison. Pour ressentir une présence, même si elle vient d’une voix à l’autre bout du monde.
Il y a cinq artistes qui reviennent, encore et encore, dans mes insomnies. Et ce n’est pas un hasard. Chacun d’eux porte une partie de moi, un bout que je n’ai jamais su nommer autrement. Si tu les écoutes à ton tour, peut-être que tu comprendras. Ou peut-être que tu t’y perdras, toi aussi.
1. Lionel Richie — “Stuck On You”
Il y a dans cette chanson quelque chose d’absolument simple. Une douceur un peu désuète, un air de déjà-vécu. Comme si elle avait été chantée pour quelqu’un qui ne viendrait jamais. Comme si elle m’enveloppait dans un pull que je n’ai jamais possédé, mais que je reconnais quand même.
Quand je l’écoute, je me souviens des trajets silencieux, des bras vides, des messages que j’ai effacés. Je pense à ces personnes que je n’ai jamais osé retenir, même si j’en mourais d’envie. Cette chanson, c’est la tendresse qu’on ne reçoit pas, mais qu’on garde quand même en soi. Elle parle d’attente sans délai, d’amour sans drame, d’un lien qu’on porte comme un bijou cassé.
Et parfois, au lieu de m’endormir, je la rejoue en boucle. Parce que dans son calme, il y a mon vacarme.
2. Ali Gatie — “It’s You”
Ali Gatie a cette voix qui ne crie jamais. Il parle tout bas, même quand son cœur semble au bord de l’éclatement. C’est peut-être pour ça que je l’écoute quand je ne dors pas. Parce qu’il me parle comme quelqu’un qui n’a pas envie de me réveiller. Ou comme quelqu’un qui sait que je ne dors pas vraiment.
“It’s You”, c’est le genre de chanson qui te fait penser à tous les ‘presque’, à toutes les fois où tu as aimé trop vite, ou trop doucement. À ceux qui ne savaient pas quoi faire de ton cœur. À ceux qui te disaient qu’ils t’aimaient mais restaient flous, comme un message audio qu’on n’écoute jamais jusqu’au bout.
Ce morceau, je l’écoute allongée, dos tourné à la réalité. Et je me dis que peut-être, quelqu’un, quelque part, pense à moi de cette manière. Ou que je suis toujours en train d’aimer quelqu’un en silence.
3. Bryan Adams — “Heaven”
“Heaven” est une chanson dangereuse pour les insomniaques sentimentaux. Elle réveille les souvenirs avec une précision chirurgicale. L’adolescence, les rêves trop grands, les promesses murmurées au bord des lèvres. C’est une chanson qui a l’odeur d’un été qu’on n’a jamais vécu, mais dont on connaît la lumière.
Quand j’étais plus jeune, je pensais que l’amour serait comme dans les films. Doux, intense, clair. Puis j’ai grandi, et j’ai compris que l’amour pouvait aussi être brumeux, distant, silencieux. Mais cette chanson, elle me replonge dans l’idée que l’amour peut encore être pur. Même s’il n’est pas à moi.
Parfois, je me laisse porter par la voix de Bryan Adams comme par un rêve qu’on veut prolonger. Sauf que je ne dors toujours pas. Je suis juste là, entre deux respirations, entre deux réalités.
4. Ed Sheeran — “Photograph”
Il y a un moment, dans la nuit, où tout ce qu’on veut, c’est retenir quelque chose. Une sensation, une odeur, un regard. “Photograph” parle de ça. De ce qu’on veut garder même quand tout fout le camp. De ces bouts d’amour qu’on glisse dans un tiroir pour les jours où la solitude est trop lourde.
Ed Sheeran n’a pas besoin d’en faire trop. Il raconte comme on respire. Et moi, j’écoute comme on s’accroche. C’est presque douloureux. C’est doux. C’est réel. J’ai l’impression que cette chanson contient tous mes silences, toutes les fois où je voulais dire “reste” mais j’ai dit “bonne nuit”.
Je crois que ce morceau est une boîte à souvenirs. Mais chaque souvenir, au lieu de s’endormir, se réveille un à un dans ma tête. Alors je reste éveillée, encore.
5. Sleeping At Last — “Saturn”
Celle-ci, c’est la chanson de l’univers. Une chanson qui ne parle pas de quelqu’un, mais de tout. De la beauté d’exister malgré le chaos. De la fragilité de l’instant. De la façon dont les choses nous échappent sans jamais vraiment nous quitter.
Je l’écoute quand je sens que ma tête va exploser. Quand les pensées tournent trop vite. Quand le monde devient trop lourd, ou trop flou. Elle ne résout rien. Elle ne me fait pas dormir. Mais elle me rend petite, et ça m’apaise.
“Saturn”, c’est comme une main invisible sur l’épaule. Comme un rappel que tout ce que je ressens fait partie de quelque chose de plus vaste. Que je suis un fragment. Un soupir. Et que c’est assez.
Et après ?
Tu sais… je n’ai pas écrit cet article pour donner une playlist. Je l’ai écrit parce que parfois, on a juste besoin de dire ce qui nous hante. De poser les chansons comme on poserait une valise trop lourde. Parce que l’insomnie, ce n’est pas juste ne pas dormir. C’est être traversée de mille pensées, sans savoir laquelle est la plus urgente.
Et dans ces moments-là, la musique ne m’endort pas. Elle me tient compagnie. Elle me connaît mieux que certains proches. Elle me parle avec une délicatesse que je ne trouve nulle part ailleurs. Elle me dit : “Tu peux pleurer ici. Tu peux te souvenir ici. Tu peux exister ici, sans t’expliquer.”
J’écris ce billet avec une voix dans l’oreille, un souffle dans le cœur, et toujours cette sensation d’être un peu trop éveillée dans un monde qui dort.
Peut-être que toi aussi, tu as des chansons que tu écoutes quand tu n’arrives pas à dormir. Peut-être que ce sont les mêmes. Peut-être qu’elles te réveillent autant qu’elles te bercent.
Et si c’est le cas, sache que tu n’es pas seul. Que quelque part, quelqu’un écoute aussi Lionel Richie à 3h du matin. Que quelqu’un pleure doucement sur du Ed Sheeran. Que quelqu’un, dans le noir, se dit : “Ce morceau comprend ce que personne n’a su entendre chez moi.”
Naeldelv, 2025 — toujours un peu éveillée, toujours un peu ailleurs.
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